Présentation de la préhistoire corse

[Étude réalisée en 1998]


 

Présentation de la préhistoire corse

Le terme mégalithe vient du grec megas, qui veut dire grand et de lithos, qui signifie pierre.

Les mégalithes se retrouvent sur tous les continents : l’Europe, des rivages de l’océan atlantique aux montagnes du Caucase, mais aussi l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Asie et l’Océanie, mais aussi l’Amérique précolombienne.

En Europe, l’éclosion mégalithique semble démarrer sur les côtes les plus occidentales. En France, sa plus grande concentration se situe en Bretagne, dans le département du Morbihan, A Carnac, le site possède 630 menhirs, 73 statues menhirs et 60 dolmens. Mais il existe des sites mégalithiques dans la plupart de nos régions, y compris dans le pays basque. La France possède 4500 dolmens et 2200 menhirs.

La Corse est une des régions européennes les plus fournies en structures mégalithiques, autant par leur quantité que leur qualité. On a dénombré jusqu’à présent 73 mégalithiques sculptés, soit 40% de l’ensemble du territoire français. 600 menhirs y sont également recensés à ce jour sur l’île. 258 menhirs ont été érigés sur le seul site de Pallagui, dans le Sartenais. Ces alignements n’ont pas d’équivalent dans tout le reste du bassin méditerranéen.

Le plus célèbre archéologue ayant œuvré sur l’île se nomme René Grosjean. Arrivé en 1954, il va consacrer sa vie à l’étude et aux fouilles archéologiques des nombreux sites parsemant l’île de beauté.

D’après les découvertes effectuées sur place, bien maigres au demeurant, il en est ressorti que l’homme s’est installé en premier lieu en Sardaigne, puis en Corse, aux environs du IXe millénaire av J.-C.

La datation au carbone 14, bien que contestée et remplacée depuis par la méthode de la thermoluminescence, a établi des dates aussi lointaines que le XIe millénaire avec J.-C, mais elle n’a pas été utilisée sur les structures mégalithiques elles-mêmes. En effet, jusqu’à présent, aucune solution n’existe pour pouvoir dater convenablement la pierre au moment de son édification. Pour l’instant, il apparaît donc comme vraisemblable que, au fur et à mesure des prochaines découvertes, et des nouvelles technologiques mise en place, les fouilles archéologiques nous en apprendront davantage encore.

Voici 11 000 ans, en Europe, l’âge glaciaire a commencé à faiblir, du moins si on en croit la théorie d’une déglaciation très lente, se déroulant sur quelques millénaires. A cette époque, la Corse et la Sardaigne se trouvent réunies, et cette grande île possède une superficie plus grande encore qu’à l’heure actuelle. J’ai remarqué d’ailleurs une particularité qui délimite bien un territoire spécifique : en effet, les vestiges sont situés au sud de la Corse et au nord de la Sardaigne. De fait, la question mérite d’être posée : les mégalithes ont-ils été érigés lorsque les deux îles étaient encore reliées entre elles par la terre ferme, voilà plus de 10 000 ans ?

En examinant une carte de la région à cette période, je me suis rendu compte que l’homme n’a pu se rendre sur ces lieux que d’une seule manière : la voie maritime. Puisque les mégalithes se retrouvent concentrés dans le sud de la Corse et le nord de la Sardaigne, j’en conclus provisoirement que ces gens ne sont pas arrivés depuis les côtes françaises, mais d’autres horizons.

Quoi qu’il en soit, l’homme y est arrivé par la mer. Le continent le plus proche se situe à l’est. En effet, 50 kilomètres séparent la péninsule italienne de la Corse. De plus, la distance était certainement plus courte encore à cette période, puisque l’île d’Elbe était reliée initialement au continent européen. De fait, l’île était à portée immédiate de n’importe qui, les préhistoriques sachant naviguer en méditerranée depuis bien plus longtemps déjà.

La Corse et la Sardaigne lorsqu'elles étaient réunies
La Corse et la Sardaigne lorsqu’elles étaient réunies

D’après les archéologues, les premiers hommes à fouler le sol corse n’ont été que de passage sur l’île. Aujourd’hui, on suppose qu’il s’agissait principalement de groupes de nomades, et que l’île n’ait été le théâtre que simples fréquentations épisodiques.

C’est a Bonifacio, sur la côte sud-ouest de la Corse, qu’un squelette entier a été découvert. Il a été daté tant bien que mal au carbone 14 entre 14 000 et 6 600 ans avant J.-C. C’est celui d’une femme, de petite taille (1,54m), qui devait avoir trente-cinq ans environ au moment de son décès. Elle a été inhumée selon un rituel très précis, dans une fosse peu profonde. Une poudre minérale de couleur rouge, qui n’existe pas dans la région, recouvrait tout le corps, sauf ses pieds. L’étude osseuse a révélé que cette femme était handicapée : sa main gauche était partiellement paralysée, et des inflammations articulaires au gros orteil droit et au talon gauche rendait sa marche difficile. Cela a dû être un frein à une époque où les déplacements terrestres étaient permanents. Pour ne rien arranger, elle devait aussi se contenter d’une alimentation moulinée, car sa mandibule était attaquée par une ostéite. Pour tous ses déplacements, tout comme son alimentation, la pauvre était très dépendante de ses compagnons, ce qui a du considérablement freiné leur progression.

Tête de Bonifacio
Tête de Bonifacio

D’après les fouilles archéologiques réalisées jusqu’à présent, les premières communautés à s’établir durablement sur l’archipel remontent à 5 700 ans av. J.-C. Ils élèvent leurs chèvres et leurs moutons, et leurs abris se modernisent, et deviennent de plus en plus nombreux. D’ailleurs, la céramique de Basi offre des vases richement ornés : triangles ou bandes brisées, symboles solaires, etc.

La Sardaigne a développé une sépulture monumentale particulière, appelée la « tombe du Géant ». On en dénombre plusieurs de ce type sur l’île. Elle comporte également de nombreuses hypogées, semblables à celles qu’on retrouve sur des îles plus au sud, notamment à Malte. Cela pourrait m’amener loin dans la réflexion, peut-être même jusqu’en Égypte, mais je ne veux pas m’éparpiller.

Vu de haut, l’hypogée de San Andrea Priu, Sardaigne. On est frappé par la représentation stylisée d’un être humain tenant quelque chose dans ses mains.

En tout état de cause, le mystère de leur édification, l’origine de leurs bâtisseurs, et bien d’autres questions inhérentes à ce sujet, n’ont pas encore reçu de réponses satisfaisantes.

Différentes compositions intérieures, qui ressemblent à s’y méprendre à des stylisations de têtes humaines.
Différentes compositions intérieures des hypogées, qui ressemblent à s’y méprendre à des stylisations de têtes humaines.

Lorsque j’ai débuté mon enquête, j’ai lu quelques ouvrages sur la préhistoire de l’île. On a écrit sur la Corse, non pas une littérature abondante, mais une littérature pleine de bon sens et de caractère. Sur ce dernier point, le caractère des Corses n’est pas sans rappeler celui des Basques, que je connais bien pour y avoir vécu quelques années. L’insulaire corse a une forte personnalité, bien différente de la nôtre, propre à sa culture. Depuis toujours, le corse a toujours protégé son île des invasions extérieures, refusant d’être sous le joug de quiconque. Là encore, il rappelle le basque, tout comme le breton, aux fortes identités.

A ma connaissance, personne n’a pensé à travailler sur une mise en œuvre géométrique de ces monuments préhistoriques. Sans référence intéressante à me mettre sous la dent, le challenge n’en était que davantage passionnant.

Je me suis documenté sur la typologie de cette île, et je me suis muni de cartes géographiques, pour repérer en premier lieu la plupart des sites mégalithiques corses. J’ai voulu déterminer si ces structures pouvaient avoir, ou pas, un lien géométrique entre eux. Les premiers résultats m’ont intrigué, car la logique aurait voulu que rien ne se dégage réellement.

Mais peu à peu, au fil des heures, le constat est tombé : certains sites étaient liés.

J’ai trouvé rapidement que des sites mégalithiques s’alignaient sur les axes cardinaux, des dolmens et des stèles s’orientaient selon un axe précis, et surtout, qu’une géométrie liaient les structures entre elles, qu’elles soient séparées de quelques mètres ou, plus incroyable, de dizaines de kilomètres.

Puisque aucun préhistorien n’a pu donner de réponses quant à l’utilité de diverses structures différentes, je me suis demandé si la géométrie pouvait apporter quelques réponses. Il a fallu se mettre dans la peau du ou des bâtisseurs pour comprendre à la fois leur logique et leur but.

 SUITE A VENIR…